Il y a des jours où tout semble aller mal, et finalement...
Je m'en vais vous conter, par le menu, l'aventure que j'ai eu l'occasion de vivre ce jour.
Il y a bien longtemps, ma douce Mayennaise et moi avions convenu qu'après quelques semaines de travail, il serait bon que nous nous retrouvassions pour un week-end.
Sachant la chose à l'avance , j'avais fait dans le prévoyant en acquérant mon billet de train assez tôt, cela pour pouvoir bénéficier des tarifs relativement intéressants. Je ne dis pas bon marché, car ils ne le sont jamais, même avec la carte ad'hoc, mais bien intéressants puisque moins cher que cher.
Ainsi donc, j'avais prévu de prendre le long serpent métallique qui court à travers la campagne française de Nancy à Laval et cela en passant par Paris car les conditions d'accès sont bien plus pratiques que par Lorraine TGV, cette sotte gare érigée par des politiques lorrains idiots au milieu de nulle part.
Je détenais donc mon Sésame pour aller plus à l'Ouest, avec une épreuve en cours de route, joindre la gare Montparnasse, depuis celle de l'Est, en cinquante et une minutes chrono via le monstre sous-terrain métropolitain. La chose ne m'était pas impossible puisque déjà éprouvée à quelques reprises.
Libre de mon travail à quinze heures, je me hâtai vers la gare de Nancy où j'arrivais avec un temps d'avance confortable, sans stress. Ce dernier ne tarda pas à s'estomper rapidement. A la lecture du panneau qui affiche les quais d'embarquement, j'eus la franche et brutale déconvenue de constater que l'entreprise SNCF faillait ! Un retard, qui plus est au départ, de quinze minutes était annoncé en petits points qui se mirent à briller au tableau de mon désespoir. Quinze minutes ! Quinze précieuses minutes rognées sur les cinquante-et-une imparties au trajet entre gares parisiennes. L'idée du trajet des stations de métro se transforma soudain en stations du chemin de croix, avec un loupé de train de quelques minutes à Montparnasse, en guise de crucifixion finale.
Il me fallut donc penser vite pour lutter contre l'adversité. Ce faisant, j'étais donc concentré et tout à mes pensées spatio-temporelles pour arriver à l'heure dite en cette bonne cité de Laval. Heureusement, j'avais, chose rare, mis des écouteurs sur mes oreilles pour écouter de la musique classique qui faisait, dans ces conditions, office de séance de yoga. Entre l'un et l'autre, j'étais finalement assez coupé du monde et bien préoccupé.
C'est à ce moment qu'un pauvre ère, a priori affamé, surgit dans ma zone de proximité, assez près pour déranger mes pensées. Il n'eut pas le temps de me demander quelque menue monnaie que je lui fis poliment comprendre que je ne souscrirais pas plus à sa requête qu'aux emprunts russes. Furieux, il s'éloigna en me taxant de "gros porc"... Je mis quelques secondes à réaliser car son propos final avait été couvert par la musique dans mes oreilles. C'est finalement la rémanence du son qui m'indiqua qu'il avait effectivement été injurieux.
J'en fût assez désagréablement surpris. En réfléchissant aux propos, je ne pouvais pas nier l'adjectif, eu égard à ma surcharge pondérale. En revanche, porc ??? Je me dis que la comparaison était osée, ni du côté des oreilles, ni de celui du nez, des yeux, je n'avais de traits communs avec un cochon. La seule chose qui pouvait convenir était la comparaison avec la petite queue rose en tire-bouchon mais cela s'arrêtait à la taille et à la couleur. Bref, à la contrariété du retard, venait s'ajouter l'anathème... Le voyage commençait bien.
J'avoue que j'aurais pu comprendre sa rage à mon refus, mais là... les conditions de ma bienveillance étaient un tantinet corrompues. Bref, un peu chafouin, je pris malgré tout le parti de passer outre et d'aller sur le parvis de la gare, puisque je disposai de quinze minutes de plus avant de prendre mon train. Le soleil brillait, il faisait bon. J'avisai un coin ombragé pour passer un coup de fil.
Chose faite, j'eus le déplaisir de voir s'approcher à nouveau le grand escogriffe injurieux. Il ne m'avait pas reconnu, alors que de mon côté, si ce n'était pas de la rancune, j'avais encore le souvenir des mots prononcés à mon encontre par le gaillard quelques instants avant. Il me servit le même discours. Ma réponse fut tout aussi polie mais cette fois, puisque nous avions déjà un peu de vécu commun, je lui rappelai ses propos récents en lui expliquant que ceux-ci m'inclinaient encore moins à l'aider que cinq minutes avant. Réalisant son erreur et derechef furieux, il tourna les talons en me taxant cette fois ci de bâtard, prouvant ainsi qu'il avait un lexique riche et diversifié.
Pour autant, l'annonce du retard et deux injures en moins d'un quart d'heure, ça faisait beaucoup. Ayant pris la seconde couche avant que la première n'ait eu le temps de sécher, je décidais de ne pas rester là pour attendre les finitions.
Puisque suffisamment de temps me restait encore, j'envisageai d'aller demander au personnel de la gare si le retard initial avait des chances de se réduire et si non, comment faire à Paris si je loupais mon second train. Apparemment, la chance était avec moi puisqu'en expliquant à un agent à l'accueil, j'eus le plaisir d'être immédiatement pris en charge. Un autre agent me concocta un billet... gratuit qui me permettait, si je n'avais pas le train initialement prévu, d'en prendre un autre, un peu plus tard. Ce dernier m'obligeait toutefois à faire le trajet en deux temps avec un temps d'attente au Mans. Même si je devais arriver une heure plus tard, j'étais sauvé.
Je me rendis donc sur le quai indiqué pour patienter jusqu'à ce que le train arrive. J'étais dans l'attente, une fois de plus. Pour ne pas rester désœuvré, j'entrepris de sortir le billet salvateur afin d'en prendre mieux connaissance. Je ne m'étais pas préparé à une nouvelle déconvenue.
Non seulement je devais prendre un train plus tard, non seulement il me fallait faire le second trajet en deux temps, mais en plus, d'une place en première, je passais à des places en seconde... pour le même prix ! La fête continuait.
J'étais donc sur le quai où à quelques minutes de l'arrivée du train, une annonce nous signala que le quai d'embarquement serait annoncé sous peu, laissant ainsi entendre que le quai initial n'était pas le bon. Je m’apprêtai donc à faire le trajet en sens inverse pour retrouver le wagon dans lequel m'attendait ma place.
Un TGV arriva sur les entre-faits, venant de Paris. Tous les étiquetages signifiaient donc la direction opposée à celle que je devais prendre. Toujours pas d'annonce rectificative... Je dus demander à des agents quel train me mènerait vers ma destination. C'était celui là !!! Une fois de plus, la société des chemins de fer avait failli.
Satisfait de voir tout de même mon train à quai, j'avisai le wagon dans lequel je devais voyager... un des derniers de la rame ! Cela signifiait ainsi qu'en gare de l'Est, j'aurais déjà un parcours allongé pour aller chercher le métro, réjouissance supplémentaire.
Je m'assis donc, en prenant la décision de remonter la file des wagons avant d'arriver, bagages à la main, pour me rapprocher au plus près du métro et gagner un temps devenu des plus précieux. Le train finit par s'ébranler, prendre une vitesse qui, malgré tout, ne permit pas de rattraper le retard.
Rendu dans le wagon qui me mit au plus près, je marchai donc à très vive allure à mon arrivée sur le quai de la gare parisienne pour attraper le premier métro. La vie aurait été trop simple si le métro, lui aussi, n'avait pas connu des problèmes d'allure et des annonces de perturbations.
Cependant, trempé de sueur, les vêtements aussi mouillés que si j'avais essuyé une belle averse, je finis par rejoindre la gare Montparnasse avec ses couloirs infinis, ses escaliers à répétitions, ses escalators dont forcément il n'y a qu'un sur trois pour aller dans la direction souhaitée, occasionnant une surpopulation sur celui-ci, empêchant par là même une quelconque fluidité et la possibilité d'aller un peu plus vite. La scoumoune étant la scoumoune, je n'eus d'autre choix que de m'y plier.
Haletant, suant, pestant, soufflant, j'arrivai donc sous la pendule qui m'indiqua qu'il me restait à peine quelques minutes pour monter dans mon second train. Ouf, il n'était pas parti. La chance a tourné me dis-je. Je marchai de plus belle plus arriver au wagon qui devait me mener en temps et heure à ma destination. Le mauvais œil semblait maintenant être derrière moi.
J'avoue que si le retard initial m'avait fait monter l'adrénaline, celui que je découvris pour l'aller vers Laval m'apaisa. Une fois de plus, retard au départ, dix minutes ! Je pus ainsi profiter pleinement du bain de sueur dans lequel je marinais maintenant.
Une fois arrivé dans le train, je pus souffler, me détendre, me dire que c'était gagné, que mon week-end commencerait comme je l'avais prévu.
C'était sans compter avec les aléas qui d'un retard de dix minutes au départ, firent monter les enchères, grâce à un problème électrique sur la ligne Paris-province. A peine avais-je eu le temps de me caler, de reprendre ma respiration, de profiter un peu de la climatisation que quelques dizaines de kilomètres après la sortie de Paris, la rame s'immobilisa en pleines voies ! Confus, le contrôleur nous annonça la chose en précisant que l'incident porterait le retard à... quarante minutes !
Bon, une fois de plus résigné, je décidai d'aller au wagon-bar boire une grande quantité d'eau car après la course parisienne et n'ayant rien bu depuis mon café de 13h à Nancy, je n'avais rien absorbé. J'étais donc parfaitement déshydraté et le mot est faible.
A ce moment, le contrôleur porta l'estocade. Le train étant en retard et sans que je pus comprendre la relation de cause à effet, le wagon bar était fermé... A cet instant précis, je me dis que je n'avais plus que la mort à attendre.
J'ai fini par arriver à bon port, près de cinquante minutes après l'heure prévue. Pour autant, pourquoi se plaindre, pas d'accident, pas d'attentat, j'avais la vie sauve...
Ceci dit, Macron avait raison, j'aurais du prendre le bus. Mais voilà, à la vitesse à laquelle vont ceux-ci, en partant le vendredi soir, je serais arrivé aux côtés de ma douce Mayennaise sensiblement à l'heure à laquelle j'aurais dû reprendre le lundi matin ! Quelle vie trépidante.