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  • : Mon objectif est d'explorer l'inconnu d'une vie nouvelle, grâce, entre autres, à l'écriture. Le ton restera le même; souvent impertinent, parfois cynique mais toujours en tentant de garder ce qui nous permet encore de vivre dans ce drôle de monde, l'humour, dans tous ses états.
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10 décembre 2018 1 10 /12 /décembre /2018 07:00

Il y avait bien longtemps que je n'étais pas venu à l'étang. Un accident de la vie m'avait privé depuis presque dix ans de ce plaisir champêtre. A la vue de l'eau, j'avoue qu'un certain bonheur m'envahit, mais je déchantai vite. Il y avait là quelque chose de bizarre. Je ne reconnaissais plus l'endroit. La forme en huit de la pièce d'eau, avec une boucle plus ronde que l'autre avait changé. Des petites dunes de terre cachaient le bord opposé, pourtant bien visible auparavant. La végétation elle aussi s'était transformée, moins d'arbres, plus d'herbes folles dans un désordre qui me surprit. Jacky entretenais toujours l'étang avec beaucoup de soin, et après qu'il ait quitté ce monde, nous, les enfants devenus adultes, avions eu à cœur de poursuivre cette tâche. Pour autant, dix ans s'étaient écoulé depuis ma dernière visite et la nature semblait revendiquer la reprise de ses droits ; mais pas que cela...

Qu'importe me dis-je. Sans même réaliser que j'avais quitté mes chaussures, je pénétrai dans l'eau. A cet instant, je pus retrouver la sensation de fraicheur recherchée aux temps ensoleillés, et parfois lourds d'un orage à venir. Je commençais à avancer. Lentement, doucement, profitant de la douceur du moment comme aux temps où nous venions taquiner le brochet, dans ce mouvement discret qui ne trouble pas le carnassier. Après  avoir parcouru quelques mètres, je réalisai que la hauteur d'eau était constante, à peine à mi-mollet, et ce dans toutes les directions que je pouvais emprunter. J'aurais dû me questionner, m'inquiéter. Mais non. Cela était ; immanence de la nature. Aucune raison de me soucier. Je poursuivis donc ma déambulation quasiment à la surface de la pièce d'eau. J'avançais vers l'endroit où se cachaient habituellement les poissons, dans ce que l'on nommait une basse, en lorrain, une profondeur plus conséquente de l'étang, refuge du poisson blanc, réserve de nourriture des prédateurs. 

C'est précisément à ce moment que je les vis, tous. Quasiment immobiles, placides pour certains, posés sur leur séant, le regard fixé sur moi. Chacun d'entre eux disposait sous lui d'un minuscule lopin de terre qui émergeait, petite propriété privée où poussaient quelques herbes. Tous, entourée par l'eau calme, vivants mais statufiés. Aucun ne me faisait face, cependant, tous avaient la tête tournée vers moi, créant un angle droit avec leur corps de profil. Cinq, six, dix chats, surgis de nulle part, me dévisageaient. Leur orientation différait mais tous guettaient mes mouvements. Si je n'avais pas perçu d'emblée la présence étrange de ces félins tranquilles, je ne m'en étonnai maintenant pas plus que de la faible profondeur de l'étang et continuai mon chemin aquatique.

L'homme arriva vers nous, car nous étions maintenant plusieurs. Je ne le reconnus pas, pas plus que je ne le connaissais. J'aurais grand peine à décrire sa tenue car ses mots bienveillants fixèrent mon attention. Il nous prévenait du danger de marcher nu pieds dans l'eau, avec le risque de nous blesser sur des tessons de verre qui polluaient l'étendue d'eau. Cela dû me troubler car je me souviens avoir été perdu à cette annonce et l'avoir sollicité pour qu'il m'indique comment continuer mon chemin. Il me renseigna avec gentillesse et bonhommie, précisant que j'avais encore de la route devant moi. Les chats avaient tous disparu. Surement retournés là d'où ils étaient sortis, avec la même discrétion silencieuse.

Je me trouvai à cet instant presque sur la rive de l'étang que barrait une digue. Celle-ci n'était pas très haute et se prolongeait loin, très loin, se fondait avec l'horizon. Pieds dans l'eau, je savais que la digue protégeait l'étang des eaux usées en ceignant la station d'épuration. A mon tour, gagné par l'immobilité, je me retrouvai seul à nouveau. L'homme s'était évaporé, ceux qui m'accompagnaient également. Ayant épuisé l'ensemble des ressources mentales et souvenirs accumulés en désordre au cours de ma vie, je m'éveillai, troublé par un rêve étrange, aux tonalités réelles teintées de fantastique, mélange d'histoire personnelle et de littérature à la Lewis Carroll.

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commentaires

L
Arrête de mettre de l'aspirine dans le Whisky ...
Répondre
P
T'as raison, j'arrête immédiatement l'aspirine !