Dimanche en rentrant de congés, j'ai vu mon terminus SNCF avancé de deux gares !?! En lieu et place de la gare Montparnasse, les gentes dames qui avaient contrôlé nos titres de transport nous ont annoncé que l'arrêt définitif du train se faisait à Rambouillet...
Quelques temps après être descendue du train, la foule eut l'explication. Toute circulation était stoppée suite à "un accident de personne". Jolie formulation. Ayant l'esprit devossien, je me suis demandé pourquoi arrêter un train puisque l'accident était de personne. Il eût été de quelqu'un, passe encore, mais de personne ?
Il était 13h30 environ et mon train aurait dû atteindre la gare finale 18 minutes plus tard. Passé le temps de l'irrationnel, j'ouïs les dames qui purent nous rassurer : "vous devriez pouvoir repartir vers 14h, ça va être rapide, c'est un suicide... " A nos visages interloqués, elle précisa : "... Oui, le suicide est avéré, il n'y a dons pas ouverture d'enquête de police"
Ah... bon... contrairement à ces dames qui avaient visiblement déjà été confrontées à ce type de situation, la foule hésitait entre l'attitude dubitative, l'agacement du retard annoncé, l'inquiétude de la correspondance loupée ou non et une certaine circonspection.
Il fallait se rendre à l'évidence : patienter ! Patienter, le temps de remettre le trafic en route. Patienter, le temps vraisemblablement de dégager la voie. Patienter, certainement le temps que tous les constats aient pu être faits... Donc... nous patientâmes de longues minutes, au froid, soleil brillant mais vent glacé, après avoir eu la seconde nouvelle qui en rajoutait une couche au mille feuille de stress : aucun bus ne pouvait nous mener à destination... Dimanche...jour de congé ! Damned...
Après avoir fait les cents pas quelques temps pour me réchauffer, je me suis rendu compte que la foule se mouvait en direction d'un quai au delà des voies. Repli stratégique ? Recherche d'un abri ? Non, une fois encore, les dames venaient de donner une information. La rame de train qui avait percuté la personne devait arriver sous peu et afin de ne traumatiser plus de monde par les traces possibles du choc, les usagers devaient être éloignés de cette vue potentielle.
Entassés sur le quai 1, nous étions maintenant en attente de deux rames, celle qui devait nous mener à bon port et celle, en sens contraire, de l'accident. La motrice du train funeste apparut au loin, attirant, forcément, la plupart des regards. La pulsion scopique agissait, fascinante. Tout un chacun, bien heureux d'être en vie et n'ayant pas participé à ce qui était advenu cherchait malgré tout sa part de la catastrophe. Voir ce à quoi on a échappé pour confirmer que l'on est bien vivant...
Dans ces moments là, la pensée fonctionne rapidement, les yeux scrutent, le cerveau imagine. Choc, traces... Bref, le rouge devait être dans la plupart des esprits. La rame qui avançait doucement se fit plus précise, plus visible... mais point de tôles enfoncées et maculées. Une seule couleur, du bleu. Uniquement du bleu ?!?
Dans un élan de réalisme, j'en conclus que la motrice avait heurté un Schtroumpf neurasthénique ou une dépressive cyanosée...