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Né un 28 juin, en pleine canicule, il abhorrait le froid.
Taciturne, misanthrope, il vivait reclus dans un coin reculé de la vallée de la Loire. Il avait choisi une maison troglodyte afin de pouvoir échapper au monde, en se cloîtrant au fin fond de sa grotte. Il détestait les gens.
Pire encore, les enfants. Il ne supportait pas leur présence piaillante. Leurs mains souillées de l'herbe des jardins ou maculées d'un Nutella débordant de la tartine hypercalorique du goûter lui donnaient la nausée. Il vivait seul, par choix.
Il avait bien essayé de prendre une compagne mais celle-ci l'avait vite agacé. Elle n'oubliait pas une fête, pas un anniversaire, pas une occasion d'offrir un cadeau à qui que ce soit et à lui en particulier. Ruineux, agaçant, fatigant.
Elle ne manquait jamais de tout faire pour lui être agréable. Elle était gentille, trop gentille, poire ! La chose avait insupporté son conjoint au point qu'il lui avait signifié sans ménagement, sans diplomatie aucune, qu'elle aille jouer les mamys gâteuses à l'autre bout du monde.
Quand Halloween s'annonçait, il retournait son jardin pour y disposer judicieusement des mines antipersonnel. Il creusait trois rangs de tranchées et se retranchait au coin d'une fenêtre, à ses pieds, les provisions pour tenir un siège, en position de sniper serbe.
Il ne prenait aucun plaisir à la chose mais il n'aimait pas qu'on vienne l'importuner pour des raisons qui tenaient plus du commerce que de la tradition. Et puis, vraiment, avec les enfants carnavalo-sucrivores, ça ne passait pas, il les détestait.
Il avait bien essayé, une fois, par curiosité, d'ouvrir sa porte à un gnome à tête de citrouille qui s'était écrié : "Des bonbons ou j'te tue !". Il lui avait donné un sucre d'orge au poivre et n'avait pas manqué de le pincer avec force en le reconduisant.
Sa tentative s'était avérée un fiasco. Il n'avait éprouvé aucun plaisir à offrir. Pire, pour lutter contre les tremblements dus à un acte complétement inhabituel, il avait du user de méchanceté pour retrouver sa sérénité.
Le 25 décembre approchait. Les illuminations ornaient petit à petit maisons, jardins et rues de son village. Des marionnettes et objets festifs garnissaient les vitrines ; lutins, traineaux... sans oublier les rennes, qu'ils n'appréciait pas non plus, comme tous les autres animaux.
Comme chaque année, il avait décidé de descendre dans le bunker qu'il avait creusé, moins pour éviter les dégâts nucléaires que pour se préserver des fêtes de fin d'année et de l'obligation de souscrire à la tradition des cadeaux de Noël.
Décidément, le Père Lëon était à l'opposé du monde.