Loi de Murphy, encore et encore...
Tu fais une colopathie aigüe, qui te prive de tes jambes, te cloue au pieu pour la semaine, les tripes en grève, l'intestin façon frères Montgolfier. Alors tu consultes la faculté, qui s'inquiète, te vampirise, t'électrocardiogrammise, te scanne et enfin te rassure, te dispense la bonne médecine, propre à remettre le transit en route.
Tu t'exécutes, plongeant la canule du lavement à l'endroit propice qui est double : l'endroit de la plongée corporelle et le lieu où tu pratiques l'acte, le moins possible éloigné des lieux d'aisance, au risque de te rejouer le tsunami de Sendaï - 2011 - à l'échelle de ton appartement. Arrive ce qui doit arriver, la médecine l'avait prescrit et prévu. Telle la limace de mer sortie des eaux, tu te vides... ouf ! Mais bon, si la place est nette, encore faut-il que la machine se remette en route.
Alors tu prends ton mal en patience, après avoir dégusté encore une bonne fois à cause de la chimie qui t'a visité. Une heure, deux... une nuit... Ton unité centrale te dit bien que, même si tu as absorbé bien peu de choses, eu égard à la forme piteuse dans laquelle tu te trouvais et à la trouille d'ajouter un grade sur l'échelle de Richter de la douleur tripopathique, il faut que tu fasses contre mauvaise fortune bon coeur et que tu livres encore un peu de ton intérieur. Mais le courant ne passe pas encore bien entre l'UC et le périphérique et si l'envie est là, la concrétisation tarde.
Là encore, une heure, deux... pas une nuit parce qu'il faut dormir, mais assis, en attente, comme un voyageur dont le train n'arrive jamais, bien qu'annoncé toutes les minutes. La chose n'en finit pas de finir. Enfin, une façon de convoi s'annonce, plus précise, mais encore bien timide, et là où tu avais prévu deux rames de wagons, tu constates amèrement que seule la motrice se pointe... Shit, si j'ose dire.
But the show must go on. Alors, tu te reprends, après des heures de j'y va-t'y j'y va t'y pas, la tripe enfin à l'étal, l'esprit tranquille, tu abandonnes le doux nid, en vue d'acheter les nourritures propres à te restaurer, te réhydrater, te redynamiser... et aussi à t'aider à achever, tel Hercule, le récurage des écuries d'Augias. Tu montes donc dans le véhicule qui te porteras à quelques encablures de là et tu commences tes courses, heureux de tenir enfin debout sans considérer le caddy comme un déambulateur.
Le chariot se remplit peu à peu, réflexion à l'appui sur l'effet + ou sur l'effet - de l'aliment choisi. La rédemption demande un minimum de bon sens. Tu as quasiment fini, il reste une chose ou deux à acquérir. Tu circules dans le dédale des rayons, au milieu de la foule, car ton dysfonctionnement ne t'a pas permis de venir à une heure de moindre fréquentation. Voilà, c'est presque bon...
Et là, le bug ! La partie basse de toi même se désolidarise de la partie haute et décide, à l'instar de la Grèce en crise, de faire ce qu'elle veut. Tous les voyants au rouge, sirène annonçant le cataclysme, syndrôme AZF... Le transit se manifeste, là, à l'improviste, entre les palmiers Lu et les paquets de café, à côté de la grosse dame qui n'en finit plus de gaver son chariot, juste devant le bambin qui pousse son mini-caddy, loin des caisses, loin de ton nid et à 10 000 années-lumière de ce lieu intime que tu cottoies tous les jours dans l'indifférence générale et qui maintenant, te semble être le plus salvateur du monde.
Alors là... vraiment, tu comprends le sens du mot DETRESSE...