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  • : Mon objectif est d'explorer l'inconnu d'une vie nouvelle, grâce, entre autres, à l'écriture. Le ton restera le même; souvent impertinent, parfois cynique mais toujours en tentant de garder ce qui nous permet encore de vivre dans ce drôle de monde, l'humour, dans tous ses états.
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23 décembre 2010 4 23 /12 /décembre /2010 19:44

"Nous avons fini par atterrir à Palm Beach.... " Ainsi fini le roman que j'achève de lire. Nous filons à dix milles pieds au dessus de l'Atlantique vers notre cadeau de mariage. Cela fait trois semaines que je me prépare à subir ce vol, trois semaines où je ressasse la montée du jet, les trous d'air, la durée, la descente avec ses paliers plus ou moins bien négociés par le pilote. A  franchement parler, l'idée même de quitter le plancher des vaches me tétanise. Enfin, par amour, je fais ce qui me coûte. L'arrivée de Marie qui nous emmène à la gare, l'attente après l'enregistrement des bagages, l'accélération impressionante sur la piste d'envol, l'inclinaison pour atteindre la bonne hauteur, les virages qui basculent mon horizon, tout me renvoit à cette peur maladive de l'avion.

Je prends sur moi pour essayer de faire bonne figure, je lis sans lire, sans voir les mots, reprenant pour la nième fois ce passage qui ne fait toujours pas sens. "Nous avons fini par atterrir à Palm Beach... ", les seuls mots qui marquent mon esprit. Peut-être parce que ma lecture mécanique s'achève redonnant ainsi prise au malaise qui me poursuit. Si la sémantique s'évanouit dans les limbes, au moins la gymnastique des yeux occupe l'esprit, atténuant le stress.

Seulement voilà, le livre, quantité finie, décide de me lâcher. S'occuper l'esprit, même si à cette heure, le vol stabilisé se passe, pour un être normal, sans accout. J'essaie de me raisonner, statistiquement, on compte nettement moins d'accidents d'avions que de voiture, hors, je prends quotidiennement celle-ci pour aller travailler, je pars en vacances avec, sans la moindre crainte, sans la moindre appréhension. Indubitablement, quelque chose ne tourne pas rond chez moi pour que j'éprouve une telle peur irrationnelle.

"Nous avons fini par atterrir à Palm Beach... ", trouver autre chose, une compensation, un anesthésiant, un soporifique afin de mettre mes neurones agités en stand by. L'hôtesse passe, propose un apéritif. Petite diversion humaine que j'apprécie d'autant plus qu'immédiatement, elle répond à mes désirs en dévissant une petite fiole de J&B qu'elle verse sur deux glaçons. Si la raison ne l'emporte pas, le whisky doit aider à me décrisper. Je déguste, mais cette fois, au sens propre. Le breuvage chaud d'alcool glacé me réjouit les papilles, me coule doucement dans la gorge.

J'ignore qu'en altitude, l'alcool passe plus vite dans le sang, activé par la surpression de la cabine. A la deuxième gorgée, je sens déjà les effets. Etonnant. Relaxant. L'alcoolisation, la fatigue, due à une nuit quasi blanche, l'énergie dépensée pour contenir mes angoisses et faire bonne figure, tout cela me conduit à l'assoupissement. Ne pas tomber dans le sommeil, on ne sait jamais... le bruit s'estompe autour de moi. Les converstations, le bruit des réacteurs, le cliquetis des charriots poussés par les stewarts, tout s'enveloppe dans un coton sonore, présent, mais doux, apaisant.

"Nous avons fini par atterir à Palm Beach... " je sors de l'avion, heureux de pouvoir enfin mettre un pied sur cette bonne vieille terre. Le taxi nous conduit à notre hôtel, le "Black et Decker", construction pour le moins originale puisqu'effectivement les deux ailes noires se rejoignent à angle droit. Vraissemblablement l'oeuvre d'un architecte un peu visionnaire. Pourquoi cet hôtel ? Parce qu'il jouxte la plus belle plage de la côte, parce que le cadeau nous permet de nous offrir ce luxe, parce que nous savons qu'ici, les fruits et légumes cuisinés par le chef laissent des souvenirs impérissables tant les mélanges de saveurs sont subtils. Arrivé à notre chambre, je m'allonge sur le lit, moelleux à souhait. Le soleil baigne la pièce. Quelques livres disposés sur un petit rayonnage au dessus du lit attirent mon attention.  A l'exception d'un seul, Paul et Virginie, tous sont des polars. Curieux.

A ce moment le roman de Bernardin de St Pierre quitte sa place et vient me heurter  le visage. "Mesdames et messieurs, nous traversons actuellement une zone de fortes turbulences, veuillez attacher vos ceintures" . Je franchis en un éclair le parcours intersidéral qui sépare le rêve de la réalité pour retrouver mes angoisses. Les ailes de l'avion, que je vois depuis le hublot, vibrent intensément. La peur monte en moi jusqu'à l'insupportable. Mes mains ruissellent d'une transpiration glacée. Je me transforme en statue de marbre, je ne peux plus bouger. Peur de périr brûlé, peur que la mer puisse nous engloutir, peur de ne plus voir les enfants, peur que quitter à jamais celle que j'aime. Trop de peur, je m'évanouis.

 

airbus-crash.jpg

 

"ça va chéri ?... à cause de l'orage l'avion a été détourné des Antilles, nous devons prendre le vol qui part dans une heure car nous avons fini par atterrir à Palm Beach... "

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