Moi non plus...
Je voudrai pas crever
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Encor' bien des musiques
Qui me font tant rêver
Quand tout le bruit s'est tu
En ces temps utopiques
Où les choses de l'avant
Se sont avérées nulles
Je voudrais pas crever
Sans avoir lu la une
De toutes les tribunes
Qui dit que c'est fini
Que ce foutu virus
Est tombé de son nid
Digéré par Horus
Comme un bon panini
Je voudrais pas crever
Sans m'être baladé
Avec le nez au vent
Sans plus me demander
Si je dépasse le temps
Si je suis au delà
Du foutu kilomètre
Qui arrête mes pas
Terrible paramètre
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir gouté
En bonne compagnie
Les bons vins, les pâtés
Doux plaisirs de la vie
Et puis les fruits aussi
A noyau ou pépins
Pour pouvoir dire merci
A tous ces beaux jardins
Je voudrais pas crever
Sans avoir vu la France
Et ses petits recoins
Du barrage de la Rance
Aux prés chargés de foins
Du beffroi de Calais
Aux plages des Calanques
Avril, mai ou juillet
Pour compenser les manques
Je voudrais pas crever
Sans avoir vu les yeux
Des enfants de l'école
Qui sont toujours joyeux
Et d'une énergie folle
Ils m'ont tant apporté
Quand je me sentais mal
Ils m'ont beaucoup aidé
Restauré mon moral
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir revu
Toutes ces enseignantes
Qui devant l'imprévu
De cet enfer de Dante
Ont su rester debout
Et toujours à la tâche
Et cela jusqu'au bout
Sans jamais que rien lâche
Je voudrais pas crever
Sans avoir pu serrer
Dans mes bras, tendre affaire
Mes proches éloignés
Tous ceux qui me sont chers
A nouveau embrasser
Une joue, une lèvre
A nouveau les toucher
Sans crainte de la fièvre
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
Ce qui me reste à vivre.
Merci à Boris Vian, à relire pour s'échapper...