Le blues de l'enseignant, ça existe.
J'ai commencé ma carrière il y a bien longtemps, convaincu que je la finirais comme enseignant. A l'époque, j'ai passé le concours d'entrée à l'Ecole Normale parce que je trouvais que la façon
d'enseigner fort intéressante. A mesure que les années ont passé, j'ai vu des réformes, échappé au dégraissage du mammouth, réalisé que le qualitatif faisait peu à peu place au quantitatif et que
la valeur économique l'emportait sur la plus value pédagogique. Je me suis battu, persuadé qu'il était encore possible de "faire quelque chose"
Aujourd'hui je regarde mon métier avec circonspection. pourtant, j'aime ce que je fais, à dire aider les enfants en difficulté puisque je travaille en RASED. J'aime le travail d'équipe avec des
collègues, qui, malgré tout, font montre de dignité et d'énergie pour enseigner.
Il fut un temps où former les enfants consistait à les aider à se construire une tête bien faite, au sens de Michel Eyquem de Montaigne. Mettre en perspective les connaissances acquises , éduquer
le regard critique, travailler la variété des points de vue. Quel projet pour faire grandir l'Homme !
Mais les temps ne sont plus à cela. La démagogie cache bien la perspective d'une formation d'exécutants peu capables d'analyse et de réflexion.
Plus le temps avance, plus je côtoie de collègues qui, écoeurés, ont franchi le pas d'une démission pour se reconvertir. Plus le temps avance, plus je me pose la question pour moi-même, en regard
des impedimenta institutionnels qui contrent l'idée que je me fais de l'enseignement.
Certes, je suis fonctionnaire, je me dois d'exécuter ce que mon ministère me dicte. Pour autant, je n'en suis pas moins dépourvu de réflexion. L'équilibre se perd entre l'un et l'autre. Viendra peut-être un jour où, moi aussi, assez courageux ou trop écoeuré, je sauterai le pas.
Je dédie ce post à Maryse et Vincent qui ont eu le cran de démissionner et sont passé du métier d'enseignant, qu'ils aimaient j'en suis absolument sur, à la
boulange, pour ne plus avoir à vivre l'autorité imbécile des petits chefs, pour ne plus subir la loi scélérate de l'épicerie, pour ne plus servir de courroie de transmission à la formation d'une
minorité élitiste et d'une majorité moutonnière.