Faire la nique à la camarde, voilà bien une idée que je pensais loin de moi, du haut de mes cinquante-cinq printemps, en cette fin d'août. Et pourtant...
Tout à mes préparatifs de rentrée, boucler la valise, prévoir les petits cadeaux de vacances, envisager une reprise prochaine, je m'affairais. Après quelques courses dédiées aux douceurs à offrir à mes proches, je regagnai le doux logis estival.
Garé assez loin d'icelui, j'envisageai donc de m'y rendre pedibus, sur un terrain qui n'inclinait pas plus dans un sens que dans l'autre. L'urgence n'étant pas de mise, je marchai tranquillement.
A mesure de l'avancée, la sensation apparut. D'abord fugace, le rétrécissement thoracique se fit sentir plus intensément, s'amplifia, prit une place insensée.Une fois rendu, il me manquait la moitié de la respiration. Non que j'eusse égaré un poumon au long du trottoir, mais bien parce que dans le binôme "cage thoracique", le premier terme avait largement supplanté le second. Étau respiratoire, oxygène raréfié, ventilateurs en grève, je me sentais rabougrir.
Après un effort conséquent pour éviter tout effort, je pus compter la mésaventure, grâce aux soins de ce bon Monsieur Bell, à mon médecin traitant, à six cents kilomètres de là. Il ne me fallu pas plus de temps pour comprendre la gravité de la sentence qu'à une guillotine bien affutée pour trancher dans le vif.
A l'énoncé sémiologique de mes affres, le médecin refusa tout de go de me fixer un rendez-vous dans les quarante-huit heures et je saisis, à son insistance à m'envoyer gonfler les statistiques d'entrées aux urgences lavalloises que l'incident n'en était finalement pas vraiment un.
Ce que j'avais pris dans la rue pour quelques épisodes de brise légère n'étaient de fait que le courant d'air du mouvement circulo-alternatif de l'outil de la grande faucheuse. Si je n'avais pas mesuré l'importance de la chose, le médecin au nez fin avait bien détecté le poste de maître E potentiellement vacant à la rentrée !
L'homme étant bon pour son prochain, nonobstant sa tendance à être mortel, infirmier(e)s, urgentistes, médecins de tous poils s'affairèrent à éloigner le spectre en identifiant progressivement le moyen qu'il avait choisi pour me faire passer de vie à trépas : embolie pulmonaire massive ET, la maison de l'au delà ne reculant devant aucun sacrifice, bilatérale ! Rien de moins. La faux était donc de taille...
Bien heureusement, si le chapeau, et ce qui le soutient, avaient failli tomber tant le coup si près était passé, je restai debout, fragile, mais debout. Cela grâce aux bons offices du corps médical qui m'aidant à faire la nique à la mort, a réussi à me faire passer de l'embolie à l'embellie pulmonaire !
Puisqu'aujourd'hui je peux commencer une nouvelle vie, puisque je verrai encore le soleil se lever, puisque le barrage a été édifié contre cette garce de faucheuse, que tous ceux et toutes celles, hôspitaliers ou non, qui ont permis cela de loin ou de près, soient ici remerciés. Je leur dois la vie, je le sais.