Gris. De cheveux, de moustache, gris du tailleur et du costume, gris dehors, gris dedans. Ils sont face à face, le repas achevé. Lui, sirotant un café, elle, les yeux dans le lointain. regard de chouette. Tête à droite, tète à gauche, elle ne voit pas ce qu'elle regarde. Lui, regard figé, tasse à la lèvre, petites lampées, la vue n'outrepasse pas le verre de lunette. Immobiles ou quasi. Elle, les yeux s'animent à peine, cherchent vainement alentour ce qui réveillerait le dedans. Lui, toujours au goutte à goutte éthiopien, kawa trop chaud peut-être ? Le temps passe, un temps las. Le regard dèjà morne s'éteind, l'ennui les envahit, ou l'inertie du quotidien. Je te connais trop bien, tu me devines au jour le jour. Tu ne m'étonnes plus, je ne t'apporte rien. Trop de jours en commun ?...
Soudain le mouvement ; il se dresse, se meut vers elle qui se lève à son tour, s'approchant du manteau qu'avec délicatesse il tend. Elle l'enfile sans bruit et dans le même élan, il la prend par le bras. Sans un mot, comme avant, ils quittent la brasserie, traversent la grand place, s'enfoncent dans la nuit...